Zoonose

Par Aurélien Perrier. Institut Jacques Monod.

Une zoonose est une maladie transmissible provoquée par un agent biologique capable d’infecter au moins un animal vertébré et l’être humain, la transmission s’effectuant naturellement de l’animal à l’humain ou vice-versa (composante non traitée ici)1. On estime que 60 % des maladies émergentes infectieuses humaines découvertes de 1940 à 2004 sont d’origine animale, dont 71,8 % transmises à partir de la faune sauvage2. Les agents biologiques responsables de ces maladies zoonotiques peuvent être des bactéries (ex : la peste causée par Yersinia pestis), des virus (ex : la rage causée par les Lyssavirus), des parasites (ex : la toxoplasmose causée par Toxoplasma gondii), des agents fongiques (ex : la microsporie, une mycose causée par Microsporum canis), ou bien des prions (ex : la variante de la maladie de Creutzfeldt-Jakob).

Ces agents biologiques se transmettent depuis un réservoir naturel, avec possiblement un passage par une espèce hôte intermédiaire, jusqu’à l’hôte humain. Dans le cas des zoonoses, le réservoir naturel est l’animal, lequel ne présente souvent pas de symptômes, probablement en raison d’une longue adaptation conjointe avec le virus ; ainsi que l’environnement souillé3. La transmission peut se faire par contact direct (ex : inhalation de gouttelettes respiratoires ou de poussières contaminées, contact avec la peau, griffure, morsure), par voie alimentaire ou bien par le biais d’un vecteur biologique qui propage le pathogène (ex : transmission via le moustique).

Pour un virus, une fois la transmission à l’hôte humain réalisée et si l’adaptation à celui-ci ainsi que la capacité de mutation virale sont suffisantes, une transmission interhumaine est possible. Dans le cas contraire, il n’y aura pas de transmission interhumaine4.

Un exemple de zoonose accompagnée d’une transmission interhumaine est l’épidémie du Syndrome de Respiration Aigu Sévère (SRAS) de 2002 à 2004, apparue dans la région du Guangdong en Chine. L’agent biologique responsable est le virus SARS-CoV-1, un virus à génome à ARN et membre de la famille des Coronavirus. Le réservoir animal naturel hébergeant le virus retrouvé chez l’humain a été identifié, par comparaison du génome viral, comme étant une espèce de chauve-souris insectivore5,6. La civette palmiste masquée, animal sauvage vendu sur les marchés et consommé au sud de la Chine, est considérée avec de fortes présomptions comme étant l’espèce hôte intermédiaire ayant permis le passage du virus à aux humains,7. La transmission interhumaine se serait ensuite réalisée par l’air, probablement via des gouttelettes de salives contaminées et/ou des objets contaminés6.

Chaine de transmission probable /envisagée du SARS-CoV-1

Concernant la maladie à Coronavirus 2019 ou Covid-19, causée par la souche de Coronavirus SARS-CoV-2, en l’état actuel des connaissances, l’identification du réservoir naturel probablement animal à l’origine de la transmission aux êtres humains n’a pas encore été déterminée avec certitude même si la chauve-souris semble être un candidat crédible8. Le pangolin, mammifère soumis au trafic illégal et consommé dans le Sud de la Chine, pourrait être impliqué comme espèce hôte intermédiaire entre la chauve-souris et l’être humain8,9, ceci restant à être confirmé.

De nos jours, plusieurs facteurs sont susceptibles de favoriser le développement de maladies zoonotiques. Par exemple, l’augmentation de la température dans certaines régions, causée par le réchauffement climatique, peut entrainer l’extension territoriale d’espèces d’insectes, vecteurs d’agents pathogènes. L’accroissement des flux d’animaux et de marchandises, engendré par une économie de plus en plus mondialisée, peut amener à l’introduction d’agents biologiques exotiques. La déforestation, accompagnant le développement agricole dans certaines régions tropicales, peut favoriser la mise en contact d’espèces animales locales porteuses d’agents biologiques, avec les humains ou des espèces d’élevage. De plus, le contact étroit d’un grand nombre d’animaux, lié à l’intensification de la production agricole, pourrait favoriser les contaminations. Également, les conflits géopolitiques, fragilisant les programmes sanitaires locaux et engendrant des mouvements de populations, représentent un facteur de risque important.

Afin de lutter contre les zoonoses, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), par exemple, dirige depuis 2015 la collaboration internationale « Tous unis contre la rage », visant à éradiquer cette maladie dans le monde d’ici 2030, via des campagnes de vaccination et de sensibilisation. Ceci s’intègre dans l’approche « un monde, une santé » (One World, One Health) soutenue par de nombreuses instances internationales et nationales (ex : OMS, Organisation Mondiale de la Santé Animale, Institut Pasteur, entre autres), et invitant à une action interdisciplinaire synergique entre médecine humaine, vétérinaire et sciences de l’écologie, de l’environnement et de l’évolution dans la gestion de problèmes sanitaires, considérant la globalité des interactions animal-humain-écosystème.

Sources

1 Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) – Fiche de maladies animales – La rage (2013)

2 Jones KE, Patel NG, Levy MA et al. (2008). Global trends in emerging infectious diseases. Nature. 2008 Feb 21;451(7181):990-3. doi: 10.1038/nature06536.

3 Institut Nationalde Recherche et de Sécurité (INRS) – Comment les zoonoses se transmettent-elles ? (2015)

4 « Covid-19, chronique d’une émergence annoncée », par Philippe Sansonetti – La vie des idées – Collège de France (2020)

5 Hu B, Zeng LP, Yang XL et al. (2017).Discovery of a rich gene pool of bat SARS-related coronaviruses provides new insights into the origin of SARS coronavirus. PLoS Pathog. 2017 Nov 30;13(11):e1006698. doi: 10.1371/journal.ppat.1006698.

6 Institut Pasteur – Fiche maladies – SRAS (09/04/2020)

7 Guan Y, Zheng BJ, He YQ et al. (2003). Isolation and Characterization of Viruses Related to the SARS Coronavirus from Animals in Southern China. Science. 2003 Oct 10;302(5643):276-8. Epub 2003 Sep 4.

8 Institut Pasteur – Fiches maladies – Maladie Covid-19 (18/04/2020)

9 Lam TT, Shum MH, Zhu HC et al. (2020). Identifying SARS-CoV-2 related coronaviruses in Malayan pangolins. Nature. 2020 Mar 26. doi: 10.1038/s41586-020-2169-0.